C’est visiblement et indéniablement avec une grande émotion que les responsables de Muna Kalati, organisation africaine œuvrant à la promotion de la lecture et du livre jeunesse en Afrique, ont accueilli la nouvelle de la sélection de leur projet parmis les bénéficiaires du News Equity Fund.
Rappelons que News Equity Fund est un vaste projet lancé par le géant des services technologiques, Google, dans le but de créer un écosystème d'information diversifié et soutenir spécifiquement les éditeurs de petite et moyenne taille qui créent un journalisme original pour des publics sous-représentés dans le monde. C’est donc un système de sélection extrêmement rigoureux qui a été mis en place en vue de passer au peigne fin les différentes candidatures soumises afin de filtrer et en retenir que les meilleures.
Si Muna Kalati figure au rang des organisations bénéficiaires, c’est parce qu’elle s’est brillamment illustrée par la pertinence de son projet.
En effet, en Afrique, l’accès à l’information sur le livre jeunesse est difficile. Bien qu’il existe un intérêt croissant pour les livres illustrés et autres ressources éducatives pour enfants, l’accès centralisé à cette documentation demeure un obstacle à la visibilité et émergence du champ de la littérature enfantine et de jeunesse en Afrique.
Les informations en ligne disponibles sur les livres jeunesse africains sont éparpillées sur différents sites, lesquels présentent rarement des analyses critiques ou fiches pédagogiques sur ces livres jeunesse. D’où la nécessité de documenter et digitaliser l’accès aux livres jeunesse produits dans les pays d’Afrique.
Ayant déjà réalisé plusieurs analyses et études sur l’industrie du livre pour enfants et de jeunesse, Muna Kalati vise principalement à travers son projet accroitre l’accessibilité numérique et la légitimité des livres pour enfants et de jeunesse produits en Afrique.
Dans sa mise en œuvre, le projet s’articulera autour de trois phases bien distinctes, à savoir :
La phase de documentation
Au cours de cette première phase, il s’agira d’identifier, recenser et collecter tous les titres jeunesse publiés dans chacun des pays cibles de l’étude. L’identification sera faite à base de critères permettant de définir ce qui pourra être considéré comme étant un livre jeunesse. C’est important afin d’avoir des livres pertinents et représentatifs de la littérature enfantine et de jeunesse de ces pays. Le recensement se fera dans des bases de données (Excel) et inclura des informations biobibliographiques comme le titre de l’œuvre, nom de l’auteur, éditeur, nombre de pages, résumé éditorial, lien vers une plateforme d’achat ou consultation en ligne (lorsqu’existant), etc.
Enfin, cette documentation se fera en collaboration avec les chercheurs et acteurs clés de l’industrie du livre jeunesse dans chaque pays afin que les informations collectées aient une certaine légitimité, diversité et représentativité. Dans certains pays, il existe déjà des associations nationales d’auteurs/illustrateurs de livres pour enfants – Cameroun, Bénin, Sénégal, Guinée, etc – tandis que dans d’autres, cela n’est point encore le cas. On recourra ici aux acteurs ou individus influents dans le domaine du livre jeunesse, dont certains sont déjà membres du réseau Muna Kalati rassemblant les acteurs du livre jeunesse en Afrique francophone et anglophone.
Cette phase, la plus laborieuse, s’étendra sur au moins 6 mois pour les 8 pays sélectionnés.
La phase de digitalisation
Une fois les bases de données constituées, la seconde phase du projet consistera à digitaliser l’accès à ces informations, lesquelles seront mises en ligne avec les visuels (pages de couvertures, photo de l’auteur, etc.) correspondants. Ces bases de données seront en accès libre, permettant à tout internaute de chercher et trouver les références sur n’importe quel livre référencé.
La phase de réseautage / collaboration
Cette phase permettra de documenter les expériences et parcours des acteurs du livre jeunesse dans chaque pays sélectionné. En effet, il est très difficile de trouver des informations centralisées sur les auteurs (écrivains, illustrateurs, bédéistes, etc.), éditeurs jeunesse, librairies jeunesse, bibliothécaires jeunesse, prix littéraires jeunesse et enfin les chercheurs et spécialistes académiques sur la littérature jeunesse africaine.
Déjà que la frontière entre un écrivain pour adulte et un écrivain jeunesse est assez floue, il est important de disposer de fiches biographiques et autres ressources informationnelles (interviews, entretiens vidéo, dernières publications, etc.) sur la contribution de ces professionnels à la littérature enfantine et de jeunesse de leurs pays respectifs.
Au-delà de la documentation et mise en ligne de ces fiches sur les acteurs du livre jeunesse dans l’espace francophone, il sera également question de faciliter la mise en réseau entre ces acteurs. Ainsi, tout internaute pourra contacter ou emailer les professionnels ayant des fiches sur le site web. On assistera ainsi à l’intensification de la collaboration et des échanges d’expériences entre les professionnels du livre jeunesse en Afrique et dans le monde.
À y voir de plus près, l’on se rend immédiatement compte que c’est un projet pertinent qui bénéficiera fortement à tous ces pays cibles d’Afrique francophone que sont le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Comores, la Côte d'Ivoire, le Djibouti, le Gabon, la Guinée, la Guinée équatoriale, le Madagascar, le Mali, le Niger, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la République du Congo, le Rwanda, le Sénégal, les Seychelles, le Tchad et le Togo ayant la langue française comme langue officielle.
En définitive, cette sélection de Muna Kalati au programme News Equity Fund de Google est une consécration du sérieux et impact de ses actions dans l’industrie du livre pour enfants et de jeunesse, mais également un kérosène pour aller davantage loin dans l’implémentation d’idées et initiatives permettant le rayonnement du livre jeunesse en Afrique.