Christian Elongué est un entrepreneur social d'origine camerounaise à l'identité afropolitaine, qui œuvre à la promotion de l'éducation et de la culture africaine à travers Muna Kalati, une association panafricaine réunissant parents, auteurs, éditeurs et autres passionnés de livres pour enfants.
Passionné de lecture depuis ma plus tendre enfance, j'ai dévoré chaque semaine, près de 6 livres d'environ 200 pages chacun depuis l'âge de 11 ans. J'ai été initié à la lecture par les bandes dessinées telles que Rodeo, Zembla, Kiwi, Tex, Blek le Roc, PICSOU, Mickey Mouse et autres livres de la Bibliothèque Rose.
À travers ces lectures et découvertes de cultures étrangères, l'ailleurs me semblait meilleur, Paris rimait avec Paradis et je devenais impatient d'obtenir mon BAC afin de partir en France où je pourrais voir la neige et toucher la Tour Eiffel...
Entre 12 et 17 ans, lassé des bandes dessinées, je me suis mis à dévorer les SAS de Gérard de Villiers, dont les récits épiques d'espionnage et parfois érotiques enflammaient ma libido.
Entre 12 et 17 ans, lassé des bandes dessinées, je me suis mis à dévorer les SAS de Gérard de Villiers, dont les récits épiques d'espionnage et parfois érotiques enflammaient ma libido. En moins de trois ans, j'avais lu près de 186 SAS, lisant occasionnellement en classe depuis mon casier lorsque le professeur avait le dos tourné ou le soir lorsque les parents m'imaginaient endormi.
C'est à l'université avec les mouvements associatifs panafricains et mon master " Afrique et mondialisation " que j'ai découvert le riche passé africain et prise conscience de mon aliénation culturelle. Je connaissais mieux l'histoire de la France, de la Grande-Bretagne et de la Belgique que celle du Cameroun et j'ai réalisé que les livres de mon enfance y avaient largement contribué.
J'ai constaté que la littérature d'enfance et de jeunesse était un outil puissant pour construire l'imaginaire et l'identité des jeunes Africains, pour réduire l'immigration clandestine et la faible conscience civique et patriotique. Mais j'ai constaté avec regret que les livres pour enfants africains étaient peu connus et peu accessibles. Les auteurs de livres pour adultes étaient plus médiatisés, célébrés et promus que ceux de la littérature pour enfants, qui était considérée comme un domaine marginal, un ghetto ou un secteur de peu d'intérêt réservé aux auteurs amateurs.
Révolté par ce manque d'intérêt et l'absence de médias spécialisés dans la promotion des livres africains ou afro-descendants, j'ai commencé une étude scientifique de 4 ans pour établir un inventaire de la littérature africaine pour la jeunesse. Un livre publié en 2019 chez L'Harmattan en rassemble les principaux résultats et l'association Muna Kalati en constitue la dimension pratique.
Quatre ans après sa création, Muna Kalati fédère un large réseau d'auteurs, de parents, d'éditeurs et d'amoureux de la littérature jeunesse qui échangent leurs bonnes pratiques et collaborent pour une meilleure visibilité et un meilleur accès à des livres aux contenus diversifiés et culturellement pertinents pour la jeunesse. Nous organisons les ateliers "Lecture Plaisir" pour initier les enfants à la lecture par le théâtre, le débat, le slam et soutenons des projets de lecture sur le continent.
À ce jour, nous demeurons l'une des rares entreprises numériques spécialisées dans le soutien et la promotion des auteurs, éditeurs et acteurs du livre jeunesse. Notre ambition est de voir plus d'enfants africains lire des contenus culturels divers et riches pour la construction d'une identité panafricaine ; et de voir plus de pays africains adopter une politique nationale du livre pour enfants. Si vous êtes un auteur, un éditeur ou un parent, notre plateforme vous offre des recommandations de livres pour enfants, des nouvelles et des opportunités de collaboration à travers l'Afrique et le monde.
La version originale française de cette interview a été publiée ici.