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Peut-on vraiment écrire sans lire ?

Muna Kalati Comms

Quand lire, c'est écrire.

L’écrivain martiniquais Edouard Glissant, dans son ouvrage Introduction à une poétique du Divers, fait remarquer que l'écrivain s’inspire du « souffle du lieu ». En d’autres termes, on n’écrit pas ex nihilo.  Alors, le souffle du lieu peut être le contexte historique, le contexte culturel et bien d’autres contextes. Le souffle du lieu peut aussi être l’influence de nos lectures. Dans cette analyse, notre objectif est de présenter des préalables qui, à notre avis, se mettent ensemble pour permettre à un jeune adolescent de pouvoir arriver à sa propre création. Nous estimons que trois étapes majeures permettent d’arriver à l’autonomie scripturale : d’abord la lecture, ensuite l’imitationet enfin la rencontre avec soi-même.


La lecture : premier pas vers l’écriture

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Si écrire s’apprend, il est clair que la lecture y est pour beaucoup. Dès la maternelle, lorsqu’on nous apprend à former des lettres, le second exercice est la lecture de ces lettres.  C’est ainsi qu’au fur et à mesure que l’on avance, on passe de la formation des lettres à leur association pour obtenir des syllabes.  L’exercice de lecture est à la base même de l’apprentissage. Cependant, tous les apprenants ne deviennent pas des écrivains.

 Il n’en demeure pas moins que ce sont les lectures suivies et les lectures méthodiques, pour ne prendre que le cas du système scolaire camerounais, qui emmènent les apprenants à s’intéresser à tel ou à tel autre texte. Et plus on évolue, plus on acquiert des capacités de lecture, plus on augmente le nombre de pages de nos lectures. Ainsi nait et évolue la passion de la lecture. Cette passion, dans la plupart des temps, se repose sur des genres littéraires ou des auteurs spécifiques…

 Nos lectures nous plongent dans les imaginaires et il nait en nous la passion d’écrire. À ce propos, Madame de Sévigné disait :

Mais qu’est-ce que nous écrivons après nos lectures ? Les auteurs sont-ils originaux dès le début ?

Nous ne saurons répondre par l’affirmative, car écrire , c'est d’abord imiter.


Entre la lecture et l’écriture, l’imitation

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Lorsqu’on est intéressé par les poèmes, par exemple, on est tenté de faire des vers dans nos simulations d’écriture. De même, un enfant qui est exposé à la bande dessinée très tôt voudra reproduire les dessins de ses héros ou de ses scènes préférées. Au-delà de l’influence du genre sur les pratiques littéraires ou artistiques de l’enfant, le style de l’auteur est également un facteur déterminant.


Lorsqu’on est fasciné par un auteur, on a tendance à l’imiter. La preuve, on remarque dans bien des livres des intertextes, donc les études emmènent à comprendre que l’influence est due aux lectures de l’auteur. Tino Villanueva, auteur chicano des États-Unis, est fortement influencé par ses lectures de Dylan Thomas. C’est ainsi que plusieurs des hypotextes dans ses textes sont ceux de Dylan Thomas.


Donc, l’imitation est une phase intermédiaire qui emmène les écrivains à leur originalité.

Avant de retrouver sa propre voix, le dit le poète-enseignant Guy Merlin Nana Tadoun, on écrit d’abord comme son auteur préféré et souvent même sans s’en rendre compte. C’est avec la maturité dans l’écriture que l’on finit par tracer sa voix.


À la rencontre du style personnel

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L’originalité, c'est lorsqu’on se démarque de textes lus ou des styles des auteurs préférés. C’est ainsi que l’on peut être à l’origine de tout un style. Les sonnets, par exemple d’origine italienne, ont été une innovation dans la mesure où ils respectaient un certain canevas (2 quatrains, 2 tercets, vers alexandrins…), mais il faut dire qu’ils n’ont pas créé des vers qui sont à la base de la poésie. Et lorsqu’un poète se met à écrire des sonnets, il a certainement lu des sonnets antérieurs pour ne pas être en marge de la norme.

Écriture et lecture sont intimement liées. Lire n’oblige pas à écrire, mais pour écrire, il faut lire, car, comme le dit souvent le professeur Robert Fotsing Mangoua, « on écrit avec ce que l’on a lu ».


L’originalité dans l’écriture est dans la plupart des cas l’achèvement d’un processus qui passe par la lecture et ensuite l’imitation. Bien écrire sans lire est presqu’impossible.

Ainsi donc, les textes que les gouvernements introduisent dans les systèmes éducatifs des pays, d’une manière ou d’une autre, préparent les apprenants qui deviendront des écrivains à s’orienter vers un style spécifique. Il est donc important pour les pays africains qui sont en quête d’identité culturelle de mettre au programme des textes qui mettent en exergue les expressions artistiques africaines. Un enfant ne peut avoir l’envie de composer une épopée Mvet que s’il a eu à lire des livres sur le Mvet.


Notes et références

Guinaelle Kengne, « Le livre d’image développe rapidement l’imaginaire et l’identité de l’enfant », Muna Kalati (blog), 23 août 2018, https://www.munakalati.org/2018/08/23/le-livre-dimage-developpe-rapidement-limaginaire-et-lidentite-de-lenfant/.

Texte préliminaire du même auteur ou d'un autre, à partir duquel est dérivé le texte (Universalis)

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