Pour faire connaitre la culture et les valeurs chéries par un terroir, il n’y a rien de mieux que de passer par les récits populaires. Pas des moindres d’ailleurs ! ceux qui relatent les souvenirs d’une enfance heureuse auprès d’une personne pleine de sagesse, un grand parent. Meïssa Mbaye l’a bien compris. Pour preuve, il commet un livre de contes intitulé des Génies, Créatures et Mythologies du Sénégal, dans lequel il actualise la sagesse de sa grand-mère en revêtant la casquette de « passeur de mots », d’un intermédiaire entre l’ancienne génération et la nouvelle, afin de faire connaître le Sénégal et sa culture sous un angle originale. D’une manière inattendue, il plonge le lecteur dans un univers fantastique, tout en lui distillant des leçons de vie reçues de sa tendre grand-mère. Génies, Créatures et Mythologies du Sénégal (GCMS), édité aux éditions Saaraba, et imprimé en novembre 2023, est le fruit de plusieurs collaborateurs, parmi lesquels l’on retient entre autres, l’auteur Meïssa Mbaye et Sophie Le Hire, l’illustratrice et la directrice artistique. Ce livre, à l’allure d’un hommage rendu à Fatou Dieure Seck, la grand-mère de l’auteur, semble être de prime abord un texte dont les histoires sont ancrées durablement dans l’esprit des sénégalais qui en n’ont connaissance. Qui est donc Meïssa Mbaye ? Quelle est la plus-value de ce livre ? Que retenons-nous de ce livre ? Meïssa Mbaye, un auteur aux multiples casquettes Meïssa Mbaye est un auteur de littérature de jeunesse aux multiples casquettes, compositeur et multi-instrumentiste, il naît en 1959 au Sénégal et issu d’une famille de griots. Vu sa position sociale, et largement influencé par son frère, Meïssa Mbaye se convertit en passeur culturel afin de perpétuer et transmettre la mémoire et l’histoire du Sénégal à son peuple. On comprend donc que ce livre de conte ne constitue qu’une suite logique du parcours de cet auteur éclectique. De ce fait quel trésor cache ce livre ? GCMS, un bouquin au service de la postérité Dans un contexte de modernité ambiant, dans lequel la jeunesse africaine, sénégalaise en particulier connaît une perte de repères, Meïssa Mbaye lui propose de regarder dans son rétroviseur, ce livre de contes, afin de la pousser à remonter dans le temps, d’entrer en connaissance d’un imaginaire qui a bercé les générations précédentes et par ailleurs a régulé leur vie ; mais qui semblent désormais de moins en moins connus, et parfois dilué sous l’effet de la modernité. En fait, GCMS est un livre qui propose un voyage à la découverte de sept créatures mythiques protectrices des villes sénégalaises à savoir : Lëg Daawur Mbay, Maam Kumba Lamb ndooy, Maam Kumba Castel, Maam Kumba Baη, Kus Kondron, Kankuraη et Simb. Ce voyage surnaturel que nous offre l’auteur nous met de plein fouet en relation avec l’univers spirituel-symbolisé ici par la couleur bleue sur la première découverture- des génies, des créatures aux pouvoirs surnaturels aussi particulières les unes que les autres de par leurs histoires, mais aussi la morale qui s’y dégage, formulée à l’attention de la postérité. Ce souci de transmission de la culture sénégalaise aux plus jeunes s’aperçoit par la présence de Yoro qui se laisse bercer par les histoires que lui conte sa grand-mère, Fatou Dieure Seck. Un élément apparaissant sur la première de couverture atteste l’idée d’une transmission culturelle, notamment des sortes de lianes qui se déploient comme des racines, cherchant à s’étendre vers d’autres. Dans un mouvement de va et vient liant le passé et le présent, créant ainsi une esthétique particulière introduisant le lecteur à la fois dans l’intimité de Yoro et sa grand-mère d’une part, et les aventures surnaturelles d’une époque lointaine d’autre part, Meïssa Mbaye semble bien avoir réussi son pari de passeur d’histoires. Quelle en est donc la substance ? Instruire par le biais de l’imaginaire Inculquer un savoir vivre ou un savoir être afin de mieux réussir sa vie d’adulte. Telle est la substance que contiennent les histoires de Meïssa Mbaye. Lesquelles allient pour le lecteur la découverte et l’instruction. La morale que contiennent ces récits est si profonde que toutes les générations s’y retrouvent peu importe ses origines. Ici, nous allons nous attarder sur les récits qui m’ont particulièrement marqué, histoire d’assurer une petite mise en bouche, dans l’optique d’aiguiser votre curiosité. Mon coup de cœur est le conte de Kus Kondron, l’histoire du lutteur redoutable et imposant du haut de ses deux mètres, pour cent kilos, Ngagne Demba Ndiaye. S’étant laissé berner par la vanité et l’ennui, il se donna pour objectif de se mettre à la recherche d’un adversaire à sa hauteur, par le concours de son marabout. Il finit par le trouver, un lutin, qui malgré sa petite taille fera ravaler son orgueil au valeureux lutteur qui l’avait d’ailleurs sous-estimé. En fin de compte, il importe de faire preuve d’humilité en toute circonstance. En dehors de ce récit dont la morale pourrait faire réfléchir plus d’un, un autre conte qui s’inscrit sans peine dans ce livre, qui se veut un pont entre les générations passée et future, est bel et bien l’histoire de Maam Kumba Ndooy, le génie qui veille sur la ville de Rufisque. Ce titre relate concrètement l’histoire d’une jeune fille du nom de Ndiolé Dieng qui a tourné le dos à ses traditions et s’est retrouvé malade à cet effet, car elle avait perdu la protection de Maam Kumba Ndooy. Elle finit tout de même par recouvrir la guérison via le ndëp. Cette histoire semble être une invite pour la nouvelle génération pour l’inciter préserver leurs coutumes lequel cas, il se retrouve sans repères. Et un être sans repères ne saurait se projeter dans l’avenir. En guise de conclusion, on retient que le GCMS, est un livre qui aborde certaines questions existentielles qui, si elles ne sont pas prises en charge avec beaucoup de sérieux, les sociétés perdront leurs valeurs, leurs histoires et même leurs âmes. Pour les sénégalais, il s’agit d’une opportunité de se réconcilier avec la tradition, et pour les lecteurs d’autres origines, c’est le moment idoine de découvrir un univers spirituel nouveau, et d’entrer en connaissance de leur mythologie. Nselel Bomba Guilaine Signifie celui qui a la force. La case des hommes. Sachant que la racine est un signe porteur de sens du point de vue culturel. La racine étant un constituant vital d’un arbre, assimilable à la culture. Rituel de guérison.
Génies, Créatures et Mythologies du Sénégal, renouer avec le passé
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