Auteur du livre Le Père Noël a le Coronavirus , Michelle TANON-LORA est Docteur de l'Université de Bourgogne, enseignant chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody-Abidjan (UFRICA) et chargée de cours de Littérature Espagnole, de Critique Littéraire et de Communication Sociale (option stratégies comportementales) et analyse filmique. Elle a écrit plusieurs livres jeunesse et dispense également des cours de « contes et jeux populaires africains » à l’UFRICA.
Elle a créé une association dénommée Pathé-Pathé qui signifie en Bhété« Patchwork, la culture en partage ». Auteur de livres de contes-jeunesse, elle exerce également l’activité de conteuse et ambassadeur culturel.
Elle parcourt le monde grâce au projet Lec’Tour qui implante des bibliothèques dans les zones rurales et périurbaines défavorisées. Elle est lauréate de plusieurs prix à savoir :
- Le Prix de la Bibliothèque Nationale 2015 pour la littérature jeunesse, avec le livre “Le bébé de Madame Guenon.”
- Prix Jeanne de Cavally pour la littérature jeunesse 2016, avec le livre “La mésaventure de Tavly.”
Muna Kalati: Depuis quand écrivez-vous ?
J’écris depuis 2009, année de parution de mon premier livre jeunesse “ La ceinture de Madame Fourmi” , publié aux éditions Les Classiques Ivoiriens.
MK : Vous venez de sortir votre livre Le Père Noël a le Coronavirus, quel est le thème dont traite ce livre ?
Le Père Noël a le Coronavirus traite de plusieurs thèmes : avec le prétexte du Coronavirus, ce livre essaye de mettre en avant le côté positif de la connectivité. En effet, de plus en plus de personnes développent une dépendance vis-à-vis des écrans qui sont devenus incontournables dans la vie quotidienne. A travers ce livre, les enfants connectés, grâce à leur réseau, ont pu poser un acte de solidarité : élaborer un projet planétaire pour trouver une solution au danger qui guette le Père Noël. En outre, la question des mesures barrières est évoquée afin de montrer que tout en restant prudents et responsables, nous pouvons échapper à la contamination au coronavirus. La sensibilisation sur les valeurs telles que la solidarité, la fraternité, et l’altruisme sont de mise dans ce livre.
MK : Quels sont vos objectifs en écrivant ? Avez-vous voulu faire passer un message, réveiller les consciences, ou simplement raconter une histoire comme une autre ?
En me mettant à l’écriture, j’ai voulu contribuer à mon humble niveau à la transmission de la culture africaine à travers le conte et aussi sensibiliser le jeune public à l’importance de la lecture qui permet aux enfants de grandir sainement en se cultivant.
MK : Est-ce que vous avez écrit ce livre pour une occasion particulière ou pour témoigner de quelque chose en particulier ?
La question du Coronavirus est d’actualité. Il est évident que cela constitue un appât pour le jeune lectorat et pour les moins jeunes, vu l’importance du personnage principal : le Père Noël. Comment va-t-il réagir face à la pandémie qui a fait tant de ravages ?
Le but : donner le goût du livre aux jeunes, faire de la lecture un loisir privilégié et non plus une contrainte liée à l’apprentissage scolaire.
MK : Qu’est-ce que vous avez commencé par écrire ? Quand (enfance, adolescence, etc.) ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ? (Repérer s’il y a un événement déclencheur, un contexte particulier).
J’ai toujours aimé lire depuis mon enfance. Ma mère était enseignante de maternelle et elle nous a très vite initiés à la lecture. Cependant, je me suis réellement mise à l’écriture au début de ma carrière universitaire. Paradoxalement, c’est mon immersion dans le monde universitaire qui m’a fait prendre conscience du besoin de sensibilisation à la lecture. En effet, les jeunes adultes que je rencontrais dans le cadre de l’enseignement universitaire ne s’intéressaient pas au livre en dehors des manuels scolaires. J’ai donc pensé un projet pour les y intéresser : c’est ainsi que j’ai créé en 1999 l’association Pathé-Pathé (qui signifie patch-work dans ma langue maternelle, le Bhété). Cette association a pour activité principale la promotion de la culture africaine à travers le conte. En 2009, j’ai donc poussé plus loin en écrivant mon premier livre de conte jeunesse.
MK : Comment vous est venue l’idée de publier ? Qu’est-ce qui vous a poussé à publier ? Est-ce que vous trouvez que c’est une étape importante ? Nécessaire ? Ou pas ?
J’ai commencé à publier pour montrer aux enfants que les histoires qui les captivaient tant lors de nos ateliers de contes peuvent être conservées dans des livres et devenir accessibles à tout moment, à condition d’ouvrir le livre.
MK : Sur quoi avez-vous commencé à écrire (thématique) ? Pourquoi cet objet ?
Le premier livre jeunesse que j’ai publié est La ceinture de Madame fourmi. Des 26 livres jeunesse que j’ai publié, c’est le seul dont l’histoire est tirée du répertoire de contes populaires. Tous mes autres livres racontent des histoires que j’ai créées moi-même. J’ai choisi de commencer ma carrière d’écrivain en reprenant ce conte que ma mère me racontait lorsque j’étais petite. Pour moi, c’était une manière de rendre hommage à ma génitrice et aussi d’attirer la bénédiction de mes ancêtres qui nous ont légué cette belle histoire dont la morale est la reconnaissance, une vertu très importante pour la cohésion sociale.
MK : Avez-vous écrit autre chose que des livres pour enfants (poèmes, essais, etc.) ?
J’ai des écrits universitaires vu que je suis enseignant-chercheur. J’ai aussi 3 romans en cours d’édition.
MK : Que lisiez-vous quand vous étiez enfant et adolescent(e) ?
Je lisais les livres de la Bibliothèque rose puis de la bibliothèque verte, des auteurs français tels que La Fontaine, Flaubert, Beaudelaire Hervé Bazin etc… ainsi que les ouvrages des grands classiques africains tels que Bernard Dadié, Hamadou Hampaté Bah, Jean Pierre Oyono…
MK : Pouvez-vous nous parler en quelques mots de chacun des livres que vous avez publiés (ou s’il y en a trop, de quelques-uns de vos choix) ? Est-ce qu’ils sont d’un genre particulier ? Pouvez-vous dire quelques mots du thème ou de l’histoire ? Des personnages ? Est-ce que ça se passe à une époque et dans un lieu particulier ?
Dans ma démarche d’écrivain, j’ai voulu rectifier un volet de l’éducation dans les écoles africaines ; en tant que petite fille africaine, j’ai été exposée à la littérature française précocement et la littérature africaine n’est intervenue que dans mes années collèges. J’ai donc voulu proposer de la matière dans ce domaine en créant des contenus pédagogiques qui pourraient remplacer les classiques français tels que Blanche Neige, le Petit Chaperon Rouge, le Petit Poucet etc. car, dans mes livres il y a des référents culturels propres à l’Afrique ; les animaux, les espaces, les situations, tout est typiquement africain et permet au jeune lecteur de s’identifier au récit et de retrouver des points d’ancrage qui parlent de lui. Ce faisant, l’objectif est de redonner la place au conte africain dans nos écoles maternelles et primaires. Raison pour laquelle dans mes contes, les personnages ont des noms africains, portent des vêtements africains et représentent la culture ivoirienne et africaine dans tous ses aspects (gastronomiques, rituels, civilités).
MK : Gagnez-vous de l’argent avec cette activité ou vous coûte-t-elle plus qu’elle ne vous rapporte ?
L’argent n’est pas le meilleur bénéfice que l’on puisse tirer de la promotion de la lecture et de la culture. Je ne me limite pas à écrire. Je fais mieux : grâce à mon association nous implantons des bibliothèques mobiles dans les écoles des zones rurales défavorisées. Et cela demande beaucoup de moyens. Pour ce faire nous avons un mécanisme de financement qui nous permet de faire face aux charges des caravanes du livre que nous appelons « Lec’Tour » Grâce à l’appui des maisons d’édition et des mécènes, nous arrivons à atteindre des cibles défavorisées dans les contrées. Nous avons constaté un regain d’intérêt pour le livre dans le cadre des animations de contes que nous faisons aussi bien dans les écoles que dans des activités de vacance telles que les croisières du conte et les ateliers de formation de jeunes conteurs. En résumé nous faisons du bénévolat mais le bénévolat a un coût. Donc, nous ne faisons pas de bénéfices financiers mais nous gagnons en lectorat et en promotion de la culture et cela n’a pas de prix à nos yeux.
MK : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes écrivains et à vos lecteurs rêvant de devenir écrivain ?
Je les encourage à lire beaucoup car en lisant non seulement le vocabulaire s’enrichit mais on acquiert une culture qui rend l’écriture plus aisée.
MK : On dit souvent que l’auteur « fait passer un message » : est-ce le cas pour vous ? Si oui quel est ce message ?
Mon message est celui de la transmission de ma culture non seulement à la jeunesse africaine mais au monde entier. Ecrire c’est vivre et faire vivre des valeurs qui visent à édifier l’humanité.
MK : Quelle est, selon vous, la tâche principale de la littérature jeunesse ? Doit-il divertir, enseigner, éduquer, éclairer, créer des modèles, libérer…
Le premier rôle de la littérature jeunesse est de construire solidement les jeunes en leur donnant des outils d’analyse et en aiguisant leur appétit pour la découverte et l’ouverture vers les autres. Le deuxième rôle de la littérature jeunesse permet de donner de bonnes habitudes de lecture aux jeunes qui en grandissant deviendront des adultes qui lisent et qui réfléchissent de façon structurée et constructive.
MK : Quelle est votre vision de l'avenir de la littérature jeunesse dans votre pays ?
De mon point de vue, la littérature jeunesse a de beaux jours devant elle car de plus en plus de personnes s’y intéressent. Des auteurs de roman s’essayent à la littérature jeunesse car un jeune qui lit sera plus tard un adulte lecteur.
MK : Qu'est-ce qui vous touche le plus dans une œuvre littéraire ?
Les émotions que suscite le texte. Un texte qui me laisse sans émotions ne retiendra pas mon attention. Les livres qui m’ont le plus touchés sont ceux qui m’ont donné l’occasion de me remettre en cause, de questionner mes fondamentaux et de recadrer mes avis sur plusieurs sujets ou même de les conforter lorsqu’elles n’étaient pas assez solides et que l’ouvrage les a consolidées.
MK : Sur quels sujets aimeriez-vous que plus d'auteurs écrivent ?
Les sujets sur lesquels j’aimerais que plus d’auteurs se penchent sont liés à la problématique de l’éducation, de la transmission des valeurs et de l’assainissement des mœurs. Tellement de principes sont bafoués par l’appât du gain que les repères moraux ont déserté nos sociétés. La corruption s’est normalisée et les règles de bienséance sont désormais guidées par l’intérêt particulier au détriment de l’intérêt collectif. Tous ces sujets seraient d’un grand apport pour assainir la société actuelle qui est sans repères solides.
MK : Combien de livres pour enfants avez-vous publiés à ce jour ? Pourriez-vous les nommer ?
J’ai écrit 22 livres jeunesse.
1. La Ceinture de Madame Fourmi, Ed Les Classiques Ivoiriens, Avril 2009.
2. Le Bébé de Madame Guenon, Ed Les Classiques Ivoiriens, Septembre 2009.
3. Siggly et son ballon, Ed Les Classiques Ivoiriens, Septembre 2011
4. Syggly ne partage pas ses jouets, Ed Les Classiques Ivoiriens, octobre 2011
5. La tortue sur le dos, Ed Les Classiques Ivoiriens, novembre 2011
6. Les larmes en or, Ed Les Classiques Ivoiriens, décembre 2011
7. La petite fille au doigt mouillé, Ed Les Classiques Ivoiriens, 2012
8. Le premier Noël de Férima ; Ed. Les Classiques Ivoiriens, 2013
9. La mésaventure de Tavly, Ed Les Classiques Ivoiriens, 2015
10. Nouh Welly, Ed. COM’CEDIT, 2013
11. La Princesse Dato, Ed COM’CEDIT, 2014
12. Le voyage de Cabosse Tome 1, Ed Eburnie 2015
13. Le tabouret royal, Ed Eburnie, 2015
14. Le voyage de Cabosse Tomme 2, Ed Eburnie, 2017
15. Le moustique et l’éléphant, Ed Eburnie, 2017
16. Thamima la princesse capricieuse, Cercle Media, 2018
17. Le secret de Zokou, Editions Les Classiques Ivoiriens 2021
18. La coccinelle et le papillon, Les Classiques Ivoiriens , 2021
19. Yènou ne veut pas grandir , Edition Vallesse, 2022
20. Bobo le Petit singe, Edition Eburnie, 2022
21. Le Père Noël a le Coronavirus, Massaya Edition, 2022
22. Saklou l’assistant du Bon Dieu, Cercle Média, 2019
MK : Souhaitez-vous que Muna Kalati fasse une analyse de ces livres ?
Certains de mes livres ont fait l’objet de thèses de Doctorat. Oui des analyses de Muna Kalati seraient les bienvenues.
MK : Où peut-on trouver vos livres ?
Mes livres sont vendus dans les grandes librairies d’Afrique de l’Ouest et pour la France, ils sont disponibles sur la page de vente en ligne de l’oiseau indigo qui diffuse dans toute l’Europe. Je fais également la vente en ligne de mes livres et de ceux d'autres auteurs jeunesse africains.
MK : Votre mot de la fin
Je remercie Muna Kalati pour cette lucarne consacrée à mon travail d’écrivain-conteuse. La promotion de la lecture et de la culture africaine est notre affaire à tous.