« De nos jours, les gens ne veulent plus croire aux fantômes ! » c’est la première phrase de cet étrange conte "La guerre des Fantômes". Imaginez-vous une petite fille, crédule et naïve qui, commençant son collège se retrouve avec un tel livre en main. C’était le deuxième livre lui appartenant personnellement qu’elle ouvrait de son plein gré. Le thème était étrange et en apparence repoussant: les fantômes.
Mais l’aventure décrite était si belle et entrainante que la petite dame ne put s’empêcher de dévorer malgré quelques frissons et frayeurs nocturnes le petit bouquin d’à peine 78 pages. La petite fille de l’histoire c’est moi. Et près de treize ans plus tard, alors que l’on me demande quel est mon meilleur souvenir de lecture, c’est ce livre dont je n’ai que des bribes de souvenirs qui hante mon esprit. Pourquoi ? Parce qu’en toute sincérité, c’est le premier livre qui me rendit fière de lire Africain.
Sans jeter l’opprobre sur de délicieuses histoires comme « Les aventures de Mamadou et Bineta » que notre maitre à l’école primaire aimait bien nous narrer, sans diminuer la pertinence de tous les monstres sacrés de notre littérature que j’ai pu déguster après, « La guerre des Fantômes » reste l’élu de mon cœur. Je me souviens que passionnée d’histoire, j’avais déjà craqué sur la mythologie grecque que je connaissais par cœur.
Mais quand j’ouvris mon petit conte, plongeai dans l’univers antique et mythologique d’Olinga Ngo’o (le héros de l’histoire), quand je frissonnai à l’évocation des forces surnaturelles, quand les éléphants ne me semblèrent plus seulement des éléphants mais bien plus encore, quand je fus emporté par ce tourbillon magique de mots et parfois de noms aux allures mystiques, à ce moment-là, oui à ce moment-là je compris que je n’avais plus rien à envier ni aux grecs ni aux romains.
J’étais fière même si je ne comprenais pas à l’époque pour quelle raison exacte. J’avais eu plaisir à lire, à tel point que c’est je crois à l’époque le seul livre que j’avais relu une deuxième fois juste pour rien. Et c’est d’ailleurs encore le seul livre de cette époque qui est toujours entier dans ma bibliothèque.
Mais l’histoire n’est pas la seule chose qui classe cette œuvre comme ma préférée. Le nom sur la couverture a aussi beaucoup joué sur mon choix. A cette époque, j’ai eu la chance de feuilleter beaucoup de livres dans la bibliothèque familiale, des dictionnaires, des encyclopédies, des livres d’histoire, des œuvres des éditions Hachette (notamment les bibliothèques rose et verte, les connaisseurs connaissent), mais jamais jusque-là, dans mon voyage de découverte au cœur des livres, je n’avais lu sur une couverture un nom qui sonne familier ; loin des Comtesse de Ségur, des Vernes et autres, je retrouvais un nom bien de chez moi.
Le soir où j’ai eu le livre, ça a changé un certain paradigme. Là je n’entendais pas parler d’un auteur africain ; ce n’était pas un lointain Camara Laye (qu’hélas je n’ai pas encore lu jusqu’à lors), ce n’était pas le seigneur Birago Diop (que je suis heureuse d’aimer aussi), c’était le premier nom que je tenais entre mes mains, que je pouvais éprouver, lire de moi-même, c’était un nom Africain, Camerounais, qui se retrouvait marqué devant moi : Samuel Martin Eno Belinga.
Mon petit conte a engagé mes premiers voyages dans un imaginaire Africain, me rendant fière de mes origines et curieuse de cet univers ancestral mythique. Mon seul regret à ce jour, c’est de ne pas me souvenir suffisamment de l’histoire pour vous la narrer, mais en fait pourquoi raconterais-je ce qui doit être lu de ses propres yeux ? Allez chercher, je pense que cela vaudra le détour. Moi-même j’y retourne, j’ai 78 pages de mon enfance à retrouver.
Africainement vôtre,
FAHI Leila