La lecture de jeunesse qui, au premier regard nous laisse voir déjà une délimitation quant à la cible, est en effet recommandée à toute personne n’ayant pas encore atteint l’âge adulte ; (si l’on veut s’en tenir à la définition de jeunesse). Mais, contrairement à l’opinion de plusieurs qui pensent que la littérature de jeunesse ne sert qu’à distraire l’enfant et l’adolescent, il faut toujours souligner qu’elle joue un rôle fondamental en ce qui concerne l’éducation et le développement intellectuel de tout un chacun. Elle permet de déciller l’enfant, et de montrer à celui-ci le monde dans lequel « il vit » (Nathalie Prince, 8 ,2009). Et ce d’autant plus que l’une des particularités du livre de jeunesse est la présence des images, notamment dans l’album de jeunesse.
L’image facilite et amplifie la lecture…
Partant du postulat selon lequel la Littérature de jeunesse a une mission à la fois éducative et ludique, celle-ci serait le lieu indiqué pour démontrer que l’âge enfantin a ses propres mérites, ses propres valeurs qui passent par des compétences liées à l’imaginaire. L’enfant qui ne sait pas lire par exemple, face aux images s’imagine plusieurs choses à la fois, fait des suppositions sur le non-dit : c’est ainsi qu’il nourrit son imaginaire en essayant de se mettre parfois dans la peau du héros de l’histoire.
L’image accompagne donc la lecture, celle-ci à son tour ouvre l’imaginaire du lecteur. Si l’on place la compréhension du texte et l’enfant de chaque côté, on dira que pour que l’enfant atteigne la compréhension, il doit passer par un pont qui est l’illustration, qui, joue le rôle de facilitatrice à la compréhension du texte par l’enfant.
L’image permet de comprendre l’implicite.
En plus de ce rôle de facilitateur que joue l’image, celle-ci permet la compréhension de l’implicite. L’image est comme le dit Sophie Van Der Linden toute une histoire se posant comme « embrayeur d’une dynamique de l’imaginaire ». La lecture de jeunesse serait donc le lieu par excellence des suppositions, de l’imaginaire chez l’enfant qui essaye autant que possible de comprendre le dit et le non-dit de l’histoire.
Ce « non-dit » est d’ailleurs la particularité des livres de jeunesse, ayant pour objectif de développer l’imagination, l’esprit critique, le sens de l’interprétation et de l’analyse. L’implicite donne l’occasion de faire un travail d’inférence. Dans son aspect polymorphe, il s’observe sur les textes, les images, l’humour, les personnages etc. L’auteur de façon consciente donne l’occasion au lecteur de déduire certaines parties de l’histoire tout seul, de la construire : il est donc appelé à nourrir son imagination (Vincent Nomo, SILYA ; 2018). La lecture de jeunesse conçoit et développe ainsi ce pouvoir d’instruire, de plaire et d’émouvoir le « bébé lecteur » par les ressources employées.
L’impact ou l’influence de l’image sur le développement du jeune lecteur est énorme et n’est pas à ignorer. L’image dans les livres de jeunesse est forte interpellatrice plus que ce que l’on imagine. Surtout lorsque celle-ci se rapproche de notre vécu avec un environnement qui nous est familier. La lecture de jeunesse présente de nombreux avantages pour le développement de l’enfant : avantage sur le plan psychologique, langagier et socioculturel (Bougelet Helene, 2015)
Les avantages psychologiques du livre jeunesse
La lecture de jeunesse demande de la part du lecteur une attention, pour que celui-ci se souvienne des événements antérieurs : ceci relève d’un exercice de la mémoire. Pour pouvoir construire le récit, l’enfant doit faire montre de concentration mais aussi de raisonnement afin d’anticiper sur la suite du récit. Il est appelé à faire un lien entre les personnages, les actions, le texte et l’image. Il peut également arriver que lors de la lecture, le lecteur s’identifie à un personnage de l’histoire généralement le héros. Dans la majorité des cas, l’enfant cherche toujours à ressembler à ce dernier.
Ce constat a été fait lorsque nous avons mis les enfants en contact avec les albums de jeunesse au cours de notre recherche réalisée en Master. Au cours de la lecture, nous avons constaté des réactions montrant que le lecteur se voyait dans la peau du héros. Ceci a été le cas pour l’album Nzié et le Lion de Mballa Elanga Edmond, un des lecteurs a eu à dire : « Nzié fait net comme moi ! ».
En dehors de celui-ci, un autre interpela son ami : « regarde comment tu ressembles à Nzié ! ». Ces quelques propos recueillis chez les enfants nous amènent à comprendre l’influence que le livre peut avoir sur eux. Et encore plus quand les images se rapprochent de leur vécu quotidien.
À la lecture de La Fête Des Fruits de l’auteure Fride Akoa, par exemple un autre enfant a eu à dire : « on a ça chez nous » faisant référence aux fruits et couverts, du livre.
Nous nous sommes rendue compte qu’au fur et à mesure que les enfants voyaient des choses qu’ils ont l’habitude de voir, leur envie de lire en regardant les images était davantage grande, le goût de la lecture se faisant ressentir. Et l’imaginaire était accentué.
L'illustration jeunesse comme facteur de construction identitaire
La lecture de jeunesse est un excellent moyen pour développer l’imaginaire de l’enfant, et préparer celui à faire face à certaines situations tout seul comme les Héros de ses livres de jeunesse auxquels il cherche à s’identifier. L’identité étant un élément socioculturel, fait partie des enjeux pour amener et encourager les enfants à la lecture. Plus celui-ci se reconnaît plus il cherche à aller en profondeur et à manier son imagination pour des lectures plurielles.
C’est à la période de l’enfance que l’identité se construit, l’enfant cherche à ressembler aux héros des livres, c’est ce que Malek Chebel nomme « L’anamorphe », faisant référence à la ressemblance.
En effet pour cet anthropologue, dès son plus jeune âge, l’enfant est à la quête d’un modèle de ressemblance, le plus souvent un héros de livre, de film, une star de musique, etc. Voilà pourquoi nous constatons dans le corpus un bel exemple de vie des Héros, le souci des auteurs illustrateurs étant que l’enfant s’identifie à ceux-ci pour avoir et être un modèle dans la société. Bomba, dansLe secret de Bomba de Kammo Melachi par exemple finira par être un travailleur indépendant, Nzié dans Nzié et le lion trouvera meilleure activité de distraction : la lecture des albums de jeunesse… Autant d’exemples à prendre, même au niveau des parents, car s’identifiant aux modèles de familles de ces albums, l’enfant comprendrait l’importance de vivre en famille, le travail en équipe…
Plusieurs éléments culturels présents dans les livres de jeunesse aident les lecteurs à se construire une identité. Toutefois, mais sans danger, à cause de la diversité culturelle que connaît notre pays, le lecteur peut plutôt apprendre les éléments culturels d’autres villages ou contrées. Ceci relève de la curiosité, qui plonge le lecteur dans un voyage qui aura un impact sur sa vie et ses connaissances culturelles variées. Autant d’éléments pour se connaître soi-même afin de mieux appréhender l’autre. Mais pour que tout ceci soit possible, il faut une conscience de la part des parents (acheteurs de livres) pour donner l’occasion aux enfants de grandir dans la lecture en fonction des âges et de leurs espaces quotidiens.
PANGOP, A. (2017), « Avènement et valeurs de la littérature africaine pour la jeunesse», dans AMABIAMINA et C. NJIOMOUO L. (dir.), Traversées culturelles et traces mémorielles en Afrique noire, PUA, p.91-111
PRINCE, Nathalie (dir) la littérature de jeunesse en question(s).presses Universitaires de Rennes, 2009 p8-25
QUINONES, Viviana, (2014), « la littérature de jeunesse : un art africain », http://www.takamtikou.fr/dossiers/la-litt-rature-de-jeunesse-un-art-africain-,le 06 juin 2018.
VAN, LINDEN, (2008),«L 'album, le texte et l'image ». Le français aujourd'hui, 2, p51-58.
CHEBEL, M. (1986), La formation de l'identité politique, Paris : Presses Universitaires
auteur-Illustrateur Camerounais
Réaction d’un enfant de 13 ans face aux images de Nzié et le Lion
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