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Livre de jeunesse comme pont vers un  modèle civique africain



Les milieux scolaires et universitaires deviennent de plus en plus le théâtre des atrocités telles que des violences (agressions entres les pairs et entre élèves et enseignants, lynchages, enlèvements…), les déviances tant vestimentaires que sexuelles, la consommation des drogues et des stupéfiants, l’usage abusif des réseaux sociaux… A côté, on a une société en proie à la corruption, au népotisme, au favoritisme, à l’ethnocentrisme

L’ensemble de ces problèmes constitue une crise de valeur grave qui continue d’anéantir le continent en général et le Cameroun en particulier. On se pose les questions de savoir : comment parvenir à sauver le continent ? Comment emmener la jeunesse ou les générations futures à faire la différence ? Les solutions déjà appliquées ne semblent pas porter les fruits. Les musiciens ont vraisemblablement échoué et certains sombrent désormais dans les musiques déviantes, autrement dit, les musiques qui ne cadrent pas avec les mœurs. Les conférences et tables rondes autour de la fête de la jeunesse ne semblent pas avoir d’effet. Pour cela, nous allons faire un voyage en Allemagne, plus précisément à Munich pour prendre connaissance de la méthode employée par Jella Lepman à la Bibliothèque internationale pour la jeunesse (Internationale Jugendbibliothek) à Munich. Car cette méthode s’est avérée capitale au lendemain de la seconde guerre mondiale pour baisser les tensions entre les peuples et promouvoir le vivre ensemble.

Petite histoire de l’IJB (internationale Jugendbibliothek)

C’est dans une villa de la ville de Munich qu’est née, le 14 septembre 1949, la première bibliothèque internationale de littérature de jeunesse. C’est un projet implémenté par Jella Lepman au lendemain de la guerre. Née d’une famille juive, elle est obligée de quitter son pays de naissance l’Allemagne, pour y revenir en 1945 pour accomplir une mission noble : participer à la reconstruction de l’Allemagne. Pour entreprendre une telle mission, il ne s’agira pas d’agir sur les adultes portant en eux les gènes nazis, mais plutôt de se focaliser sur les enfants, c’est-à-dire les futurs adultes. C’est dans cette logique que la journaliste, écrivaine et traductrice Lepman, va miser sur les enfants : « Kinderbuchbrücke ». Elle est persuadée que les livres provenant du monde entier donneront une vision différente aux enfants d’Allemagne et permettront ainsi de cultiver en eux la tolérance, la compréhension, le respect bref l’ouverture au monde. Le livre apparait donc comme  un pont. Elle va certes écrire elle-même des livres de jeunesse mais surtout elle va rédiger plusieurs lettres invitant les maisons d’éditions de divers pays à adhérer à cette cause. 14 pays répondent positivement, lui permettant d’ouvrir cette grande bibliothèque avec au départ 4000 livres.

Parmi ces livres se trouvent ceux du célèbre écrivain Erich Kästner. L’un des livres les plus importants à l’ouverture de la bibliothèque fut écrit par lui, mais inspiré entièrement par son amie Lepman. « Die Konferenz der Tiere » (la conférence des animaux) présente un monde mieux gouverné par les enfants et leurs amis les animaux, car les adultes, de par leur comportement, ont perdu le contrôle.

L’IJB accueille depuis son inauguration les enfants et les jeunes. Ils ont la possibilité de lire ou d’emprunter des livres de diverses origines (250 langues) et de diverses époques (6 siècles). De même, la bibliothèque organise des festivals, des évènements littéraires, des lectures et des expositions. Enfin, l’IJB travaille en coopération avec les établissements de la maternelle à l’université et leur offre des après-midi de contes.

Quelles leçons pour l’Afrique ?

Le crédo est connu dans bon nombre de pays africains : « la jeunesse est le fer de lance de la nation ». Seulement, les politiques d’accompagnement sont quasi inexistantes et inefficaces. D’ailleurs, le constat alarmant présenté à l’entame de cet article montre à suffisance qu’il est temps de changer de méthode et surtout de cible. La jeunesse au Cameroun renvoie à la tranche de population âgée de 15 à 35 ans. Le Ministère de la Jeunesse et de l’Education Civique met beaucoup de moyens en jeu pour orienter cette tranche qui malheureusement n’est plus tabula rasa car en proie aux  effets néfastes des réseaux sociaux, au manque de divertissement adéquat… N’est-il donc pas temps de s’occuper plutôt de la tranche comprise entre la prématernelle et le premier cycle de l’enseignement secondaire ? Cette tranche où il est encore facile d’écrire ou d’effacer ce que l’enfant connait déjà. Jella Lepman a très bien compris l’adage allemand qui dit : « was Hänschen nicht lernt, lernt Hans nimmermehr » c’est-à-dire, « ce que Hans n’a pas appris dans son enfance, ce n’est pas à l’âge adulte qu’il l’apprendra ». D’ailleurs, dans le poème « the Rainbow » William Wordsworth affirme « the child is father of the man » (l’enfant est le père de l’homme) autrement dit, l’homme est le fruit des enseignements, comportements et habitudes acquis pendant l’enfance. L’enfance est donc la période idéale pour inculquer à l’enfant des valeurs morales et civiques qui lui confèreront plus tard le statut de modèle civique africain.

S’appuyant sur le projet développé par Lepman en Allemagne, nous  faisons des propositions propres à l’Afrique. Ainsi, il faudrait non seulement établir des bibliothèques pour enfants dans chaque ville du continent, mais également avoir dans ces villes un groupe de griots et/ ou conteurs qui iront d’établissements en établissements pour mettre en scène les albums de jeunesse. Pour mener à bien ce projet, Muna kalati a besoin de l’accompagnement des maisons d’éditions de toutes les nations africaines car l’enfant africain a besoin d’ouverture, de tolérance et d’acceptation de l’autre. Si l’Allemagne a pu vaincre l’esprit nazi via l’IJB, alors l’Afrique pourra vaincre la crise de valeur par les mêmes moyens : c’est-à-dire les livres de jeunesse en provenance d’Afrique, écrit par les africains, pour les enfants africains.

Ceci est un appel à l’ensemble des instances publiques qui œuvrent pour les enfants et la jeunesse, les organisations de la société civile ayant des objectifs en rapport avec les enfants, les maisons d’édition et toutes les personnes qui se soucient de l’avenir du continent. Nous avons encore le choix, soit de les laisser à la merci des écrans, soit de leur donner un livre.

Références

TOMBE  Franklin

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