Telle fut la thématique centrale des échanges lors de la sixième édition des ateliers Muna Kalati Talks, une série de dialogues mensuels autour des problématiques clés dans l’univers de la littérature enfantine et de jeunesse africaine.
Dans le panel, nous avions Augustino Agbemavo, fondateur de la plateforme béninoise de ventes de livres en ligne bookconekt.com ainsi que Aurore Bessi Kama, promotrice de Hidiculture.com qui fait dans la promotion des auteurs et livres africains pour la jeunesse au Togo. Hidi culture propose des chroniques de présentation de livres jeunesse africains ainsi que des astuces aux parents et met en lumière des auteurs et maisons d’édition.
Ce fut une séance très interactive et éducative, riche en enseignements pratiques sur les réalités et la situation de la circulation du livre au Bénin et au Togo.
1. Les obstacles
Parmi les obstacles cités par les panelistes, nous avons :
La difficulté dans l’acheminement des livres d’un pays africain vers un autre. Lorsque cela est même possible, le cout est assez élevé et très peu de parents sont prêts à assumer ces couts. Certains sont contraints de commander plusieurs livres pour faire des économies d’échelle.
La promotion : les réseaux sociaux facilitent grandement la mise en valeur des catalogues de livres jeunesse existants sur Book Conekt et Hidi Culture. WhatsApp et Facebook sont les plateformes préférées des clients pour passer les commandes et échanger avec les libraires en ligne.
En moyenne, les livres locaux dans les pays francophones d’Afrique coutent 2500 à 3000 FCFA. Bien que ce prix puisse apparaitre abordable pour certains, surtout en comparant avec l’équivalent en devise étrangères (env. 5$), cela n’est pas toujours facile pour tout parent. Cependant, on note une plus grande prise de conscience parentale sur l’importance du livre jeunesse et les commandes sont plus régulières. Mme Hidi par exemple, a souligné que de plus en plus de parents offrent désormais des livres comme cadeaux d’anniversaires ou lors d’évènements spéciaux des enfants, une pratique qui était assez rare par le passé, où les poupées, fusils et autres gadgets étaient privilégiés.
Manque d’auteurs et d’éditeurs spécialisés
Au Bénin comme au Togo, il y’a peu d’auteurs dédiés et dévoués à la littérature d’enfance et de jeunesse, observent nos deux panelistes. Pourquoi ? Probablement parce que la filière ne jouit pas de la même notoriété que la littérature générale ou pour adulte. On a souvent la facheuse tendance de considérer la littérature jeunesse comme une littérature marginale ou « petite » comparée à la littérature générale, classique ou encore ‘Grande littérature’.
Au dela de l’insuffisance d’auteurs jeunesse, Mme Aurore note également une insuffisance de maison d’édition spécialisées, la mauvaise répartition des livres dans centres de lecture, le manque de partenariats entre les acteurs du livre locaux ou avec ceux de la sous-région.
2. Les opportunités
Parmi les opportunités à la circulation du livre et à un meilleur accès à la lecture, les points suivants furent évoqués :
Les comptes d’auteur: il est désormais possible pour des auteurs d’assurer et assumer les frais et processus de publication de leurs œuvres, offrant ainsi plus de liberté éditoriale.
Les coéditions pour faciliter la vente de livres d’un pays à un autre.
Les librairies: bien que le réseau de librairies au Bénin soit en déclin, de nouveaux acteurs émergent.
Les événements littéraires comme le prochain salon du livre jeunesse de Conakry, organisé par les Editions Ganndal en Novembre 2021, sont des plateformes incontournables pour rencontrer, échanger et nouer des partenariats avec les professionnels du métier.
Intensifier la collaboration entre les bibliothèques, Associations culturelles, centre de lecture, et structures de promotion.
3. Priorités pour les structures de distribution et promotion du livre
A la question de savoir les besoins clés et prioritaires pour l’évolution significative de leur travail, nos deux panelistes ont partagé les points suivants :
Bénéficier de soutien financier pour amortir ou subventionner les couts de transport des livres aux jeunes, surtout ceux résidant en zone rurale.
Etablir de solides politiques publiques sur le livre et la lecture pour créer l’environnement légal et structurel favorable à l’épanouissement des acteurs de la filière du livre ;
Instaurer davantage de livres jeunesse locaux (bénin surtout) dans les programmes scolaires
Les organisations internationales (OIF, UNESCO etc.), de coopération culturelle (Institut Français, Goethe Institute, British Council etc.) et les bailleurs de fonds internationaux doivent trouver un moyen de soutenir directement les petites et moyennes entreprises oeuvrant dans l’entreprenariat littéraire et culturel. Les conditions d’accès au financement sont souvent asse rigides et techniques pour de petites associations.
Secrets d’entrepreneurs littéraires
Au terme des échanges de cette 6 édition des ateliers Muna Kalati Talks, il en ressort que l’innovation et la passion sont les deux ingrédients clés pour réussir dans toute entreprise dans l’industrie du livre jeunesse en Afrique. Nos panelistes ont clairement expliqué la difficulté à trouver un modèle économique satisfaisant et la nécessité d’innover dans l’offre et les services pour demeurer pertinent.
Par exemple, M. Augustino organise des concours de lecture chaque vacance où les élèves doivent produire des fiches de résumé de 12 livres en 3 mois ; les meilleurs résumés sont récompensés au terme de la compétition. Il a confirmé une participation et un enthousiasme croissant pour la compétition littéraire, avec plus de 200 participants inscrits lors de la dernière édition.
La passion est le second ingrédient commun : « il faut aimer soi même lire et avoir la tenacité », nous confie Mme. Hidi. « Je me suis fixer pour objectif d’achever au moins un livre par moi », nous révèle aussi M. Augustino. Comme quoi, on ne saurait transmettre ce qu’on a pas. Ces entrepreneurs ne sauraient transmettre l’amour de la lecture, ni persévérer contre vents et marrées si la passion et conviction personnelle n’y étaient point présents.
Nous remercions tous ceux qui nous ont réjoins pour ce dialogue et nous avons pris rendez vous pour la prochaine édition prévue pour le jeudi 29 Juillet de 16h à 17h30 GMT sur la thématique de la presse jeunesse en Afrique. Nous explorerons la situation des magazines pour la jeunesse comme Planetes Enfants, Bulles Magazines, Bakwa et bien d’autres. Si vous aimeriez être paneliste, n’hésitez point à nous écrire à info@munakalati.org
L’enregistrement vidéo du dialogue est dispo ici: https://www.facebook.com/684538865063795/videos/554478792589099
Les présentations des panelistes sont disponibles ici: Muna Kalati Talks N 6_Hidi Culture_Aurore Hidi_30vi21Muna Kalati Talks N6_BookConekt_Augustino Agbemavo_30vi21Muna Kalati Talks N6_Questions d'échanges_MK_29vi2021