Le champ de définition d’un auteur jeunesse demeure à ce jour problématique. Existe-t-il des critères objectifs et universels pour classifier un texte littéraire dans la catégorie des livres pour enfants ? D’ailleurs, devrait-on considérer la littérature jeunesse comme étant un genre à part, distinct de la littérature générale ou pour adulte ?
En effet, j’ai découvert et exploré le débat sur le statut d’« auteur jeunesse » ou d’écrivain pour enfants, lorsque je menais les recherches pour la rédaction de mon livre « Introduction à la littérature jeunesse au Cameroun ». Bien des années après, il est encore ouvert, et semble l’être encore pour longtemps.
Cette difficile démarcation ou identification des frontières d’un écrivains pour la jeunesse, a rendu difficile l’évaluation de la production livresque des auteurs camerounais dans le champ de la littérature pour la jeunesse. Des auteurs peuvent se retrouver en train de produire un ouvrage destiné aux enfants sans pour autant être considérés comme des « auteurs jeunesse ».
C’est le cas pour 60.5% des auteurs recensés dans notre étude sur l’industrie du livre pour le jeunesse au Cameroun. Ces derniers n’écrivent pas pour un public particulier et leurs histoires pourraient toucher tout le monde : enfants ou adultes. Le livre jeunesse se caractérisant justement par son double lectorat.
Ceci s’explique par le fait que l’enfance n’est pas seulement un âge, une étape de la vie, c’est un peuple, le peuple innocent et candide. Et l’enfance comme le peuple, a des droits. Aux écrivains de les défendre et de les représenter. « Je me suis donné pour règle dans la vie de ne pas croire quelqu’un qui me dit qu’il ne s’intéresse pas aux enfants » déclarait à ce propos, Charles Dickens dans un discours prononcé, en 1858, pour la fondation d’un hôpital d’enfants.
Une diversité de perspectives mais une finalité commune.
Face à la porosité existant entre les textes jeunesse et ceux dédiés aux adultes, chaque auteur a sa perception de ce métier. Ne disposant point d’exemples documentés d’écrivains jeunesse africains sur cette question, j’ai exploré ce qu’en pense des écrivains jeunesse de la France.
Le conteur Pierre Delye par exemple, déclare qu’il n'est pas écrivain pour enfants, mais écrit des histoires lues par les enfants ! Il se méfie du qualificatif « jeunesse » qui pourrait paraître réducteur. « Il devient souvent un diminutif, l'écrivain jeunesse ne serait pas vraiment un écrivain. ».
Eric Pintus affirme ainsi ne pas penser ses histoires spécifiquement pour la jeunesse. ». Il rejoint Michel Tournier qui déclarait : « Je n’écris pas pour les enfants. J’écris avec un idéal de brièveté, de limpidité et de proximité du concret. Lorsque je réussis à approcher cet idéal - ce qui est hélas rare - ce que j'écris est si bon que les enfants aussi peuvent me lire ».
Pour d'autres, comme Olivier de Solminihac, écrire pour les enfants est d'ailleurs arrivé « par erreur ». Catherine Zambon, comédienne avant d'être rattrapée par l'écriture, écrit des pièces, pour les adultes. Et, depuis une commande de France culture, pour la jeunesse. Elle résume : « Je ne me sens pas écrire pour l'enfance, je me sens écrire depuis l'enfance. » Eléonore Dastugue, auteure du « Prince du Ciel », ne se considère pas comme écrivaine pour enfant mais plutôt comme une femme capable de partager ses rêves sur le papier.
Peu importe, la variété des conceptions sur le métier d’écrivain pour la jeunesse, le plus important c’est de lire, basta ! Qu’on soit écrivain pour la jeunesse ou écrivain tout court, le plus important c’est d’être lu et de créer chez le lecteur une certaine jouissance esthétique, de développer son gout de lire, son imagination et sa créativité.
Pour que le métier d’écrivain jeunesse acquiert une légitimité culturelle, il faut que la critique les étudie, que l’université les consacre, que des chercheurs les analysent. Contrairement à d’autres minorités qui se définissent par la langue, le genre, la religion, le handicap, (etc.), les enfants, minorité transitoire, ne se constituent pas en lobby, mais dépendent entièrement de leurs porte-parole adultes. Surgit donc la question attendue : qu’est-ce qui pousse à écrire pour les enfants, dans ce « territoire littéraire à faible valorisation institutionnelle et à forte surveillance idéologique » ?
Cette
question, nous la posons à tous les écrivains africains pour la jeunesse, afin
de comprendre leurs motivations et intérêts pour ce champ littéraire. Si vous
êtes également un auteur de livre pour la jeunesse (BD, roman jeunesse, conte,
poème…), nous vous invitons à nous envoyer votre profil en remplissant ce petit formulaire.
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Je reviendrai plus en détails sur cette question dans un autre article.
In Isabelle JAN, Essai sur la littérature enfantine, p. 102