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Schaddrack Dieke, un illustrateur jeunesse passionné

Paul Schaddrack Dieke est un illustrateur ivoirien, formé en Afrique. Il revendique la qualité de l’enseignement dispensé à l’école des Beaux-Arts d’Abidjan et le potentiel du secteur de l’illustration sur le continent. Il a accepté de nous présenter sa carrière et sa vision de l’illustration pour la jeunesse africaine.

Entretien réalisé par Laurence MARIANNE-MELGARD, pour Muna Kalati

1.Votre formation.

Bonjour Paul Schaddrack, quelle est votre nationalité ?

Merci Muna Kalati. Je suis ivoirien ; et je vis et travaille en Côte d’Ivoire.

Dites-nous pourquoi vous aimez illustrer pour la jeunesse

J’aime particulièrement l’illustration pour enfants parce que j’ai gardé en moi une âme d’enfant : j’aime la sincérité et l’innocence de l’enfance. L’illustration jeunesse est le monde de la candeur. On peut recréer les codes, avec des personnages bleus, des traits déstructurés, et aussi transmettre des émotions pures…

J’évolue principalement dans le secteur de la publicité. Parallèlement, je travaille sur des projets d’illustration divers, notamment pour l’éditeur Bayard Afrique.

Vous êtes illustrateur mais aussi Directeur artistique. Avez-vous étudié en Afrique ?

Oui j’ai étudié exclusivement en Côte d’Ivoire ; à la dure, mais dans une école fantastique : l’École Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan de 2003 à 2007. J’ai fait une spécialité en communication visuelle : création publicitaire, cinéma, et illustrations. Une professeure à l’école Beaux-Arts m’a définitivement donné le goût pour l’illustration, Mme Annick Assemian, à qui je dois énormément.

Qu’est-ce qui a forgé votre goût pour l’illustration ? Lisiez-vous beaucoup d’ouvrages pour la jeunesse quand vous étiez petit ?

J’étais un rat de bibliothèque, littéralement. J’étais (je suis toujours) fasciné par les histoires et les mondes que j’y découvrais. Et quand il y avait de belles illustrations, alors j’étais au paradis. Enki Bilal, J. Férat, Riou, me faisaient rêver par leurs dessins et leurs gravures.

J’ai commencé à illustrer depuis tout petit. A 12-13 ans je créais des articles sur des personnages historiques et je les illustrais. J’écrivais des nouvelles et des romans que j’illustrais aussi. Mais je les gardais pour moi. J’ai commencé à illustrer pour des grands tirages au lendemain du BAC. D’abord des brochures de formations, ensuite des couvertures de livre ; puis étant étudiant aux Beaux-Arts, j’ai fait un passage par le dessin de presse. Même dans la publicité qui m’emploie aujourd’hui, le crayon n’est jamais loin.

Ces livres étaient-ils africains ou étrangers ?En grande partie de la littérature française, et un peu de littérature africaine, parce que malheureusement un peu moins disponible dans cette bibliothèque.

2-Quelques questions sur votre travail et ses défis

Comment passez-vous de la lecture d’un texte dédié au jeune public, à son illustration (étapes du processus créatif) ?

Je suis sensible aux histoires. Alors quand, je les lis, je me laisse pénétrer, je me laisse émouvoir. Même quand je n’ai pas l’intention d’illustrer une histoire, ses personnages, ses lieux et ses scènes suscitent systématiquement en moi une foison d’images. C’est sûrement cela qui m’aide à tout de suite imaginer l’aspect des personnages grâce à leur psychologie.

A quoi faites-vous le plus attention, lorsque vous illustrez une histoire pour la jeunesse ?

Pour moi, l’illustration jeunesse n’a pas un objectif informatif. Elle doit transmettre une atmosphère et faire voyager les enfants. Autant certaines images ont marqué mon enfance et ma croissance émotionnelle, je voudrais aussi qu’aujourd’hui mes illustrations créent des émotions inédites chez les jeunes publics.Il y a donc un travail de recherche de style, un souci d’originalité et d’évocation dans les personnages, les costumes et les décors.

Par quels procédés d’illustration peut-on rendre les images universelles pour qu’elles « parlent » en même temps, à des enfants d’horizons variés ?

J’estime que tous les enfants du monde ont en commun la candeur et l’innocence. La « règle » est de penser à eux et comme eux, en créant des personnages qui leur ressemblent : attachants, avenants, sympathiques, avec des traits et des couleurs douces et sensibles. Même le monstre doit être un peu « cool ».Si cette règle est respectée, toutes les images peuvent parler à tous les enfants.

3.La situation des illustrateurs africains, sur le Continent et à l’étranger

Considérez-vous qu’il ait suffisamment d’offres sur le marché africain pour faire vivre les illustrateurs ?

Notre métier reste une niche sur le continent, ou au moins dans l’espace francophone. La culture de la communication par le dessin a encore du chemin à faire. Mais il y a dix ans, l’illustration était encore plus marginale qu’aujourd’hui. Alors il faut se réjouir des grands progrès de ces dernières années.

Votre nationalité vous parait-elle constituer un frein sur le marché de l’emploi à l’international ou cela n’est-il pas un critère ?

Dans le domaine de l’illustration, à mon avis, les nationalités africaines ne constituent pas un frein. Souvent c’est même un avantage : le monde de l’art recherche en permanence ce qui est inédit, novateur et qui tranche avec ce qui est établi. Or les africains ont tout cela à apporter aujourd’hui.

Je crois que le talent, mais aussi la capacité à le vendre, peuvent ouvrir de nombreux horizons aux artistes africains.

4.L’avenir du secteur

Avez-vous l’occasion de travailler avec d’autres illustrateurs africains, par exemple dans le cadre d’un réseau panafricain qui permettrait une collaboration formalisée ?

A ma connaissance, il n’existe pas de réseau formel d’illustrateurs africains. J’ai déjà collaboré avec divers artistes en tant qu’illustrateur et aussi sous ma casquette de Directeur Artistique, mais toujours de façon occasionnelle et ponctuelle.

Quels sont les freins à ce travail en synergie, selon vous ?

Il n’y a pas de freins concrets. C’est la nature de notre métier qui fait que les illustrateurs sont souvent des électrons libres. Il n’y a pas de véritable industrie de l’art, alors en général ce sont des commanditaires qui suscitent des projets et qui appellent un illustrateur. Même quand il y plusieurs illustrateurs, cela reste à l’état de collaboration ponctuelle. Par contre, les illustrateurs se connaissent assez bien entre eux et ont de super rapports humains.

Comment envisagez-vous l’avenir de l’illustration jeunesse en Afrique ?

Il y a de plus en plus d’initiatives privées surtout dans le domaine de l’éducation (de nouvelles maisons d’édition, etc…) et des jeux (des figurines et des jeux vidéos typiquement africains, etc…). Je crois que cette tendance va créer encore plus le besoin de créateurs, et ainsi agrandir l’écosystème de l’illustration, notamment l’illustration jeunesse. J’ai bon espoir, car ces dernières années, nous nous trouvons dans la meilleure configuration pour cela.

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