La littérature de jeunesse est comme une industrie qui a besoin d'investissements énormes. Avant de parvenir à la diffusion, il y a plusieurs étapes intermédiaires. Pour chaque échelon, il faut un certain investissement qui parfois peut couter un bras en fonction des projets. Murielle Diallo, autrice polyvalente dans la littérature de jeunesse ivoirienne, lors d’une interview conduite par Narcisse Fomekong en 2021, a reconnu que trop souvent confronté aux problèmes de diffusion, le livre édité en Afrique a toujours autant de mal à circuler dans le monde. De plus, les libraires préfèrent se cantonner dans les livres classiques et les manuels au programme car là au moins, ils ont la certitude qu’ils vont écouler leurs produits. D’ailleurs, nous avons approché deux libraires de la ville de Dschang. Ils sont tous d’avis sur le fait que la demande est presque inexistante en ce qui concerne les livres de jeunesse. Toutefois, Déborah Ahenkorah, activiste très connue au Ghana dans la promotion de cette littérature et vainqueur du Global Pluralism Award en 2019 au Canada, reconnaît que l’Afrique ne produit pas assez de livres pour sa propre consommation. Cette dernière nourrit le rêve de voir inscrits dans les bibliothèques du monde de pertinents et profonds livres de jeunesse provenant de l’Afrique. C’est à notre sens une invitation collective pour tous les acteurs du livre jeunesse. Au regard du coût de production, l’aspect économique est plus que jamais à prendre en considération et nous pensons que quelques pistes peuvent être explorées.
Multiplier les notes de lectures de livres existants
S’il est vrai que les livres de jeunesse existent, la question qu’on peut se poser est celle de savoir combien de ces livres ont fait l’objet des notes de lecture pertinentes et publiées. Généralement, c’est par le truchement de cet exercice scientifique qu’il est possible d’attirer l’attention sur un livre précis. On peut notamment aborder l’illustration, le contexte, la portée etc. Il y a un véritable enjeu publicitaire à prendre en considération à ce niveau. Cependant, certains pourraient penser, probablement avec raison que c’est un raccourci qui diminuera la demande. Nonobstant, il serait judicieux de ne point oublier que ces livres sont prioritairement destinés aux enfants et adolescents. Par conséquent, les parents, une fois conscients et intéressés par le contenu, pourraient naturellement s’en procurer.
Redynamiser la visibilité des acteurs du livre jeunesse en Afrique
Quelques associations en Afrique (Muna Kalati, Harambe Africa etc…) sont investies dans le monde de la littérature de jeunesse. Des concepts existent autour de la littérature de jeunesse. Cependant, le plus souvent, beaucoup n’ont pas les financements nécessaires. Malheureusement, ils n’ont pas toujours la stratégie qu’il faut pour régulièrement mettre en avant ce qu’ils ont eu à réaliser. Il faudrait essayer d’y remédier en mettant un accent sur les acquis, en établissant et actualisant le palmarès qui devrait être mis dans les plateformes numériques. En effet, lorsqu’on rencontre de nouvelles personnes, elles ne sont pas forcément au fait de nos acquis d’antan. Nos actions passées sont comme nos vitrines. Les mettre en avant avec des preuves, apporte une certaine crédibilité aux structures existantes ; le faire serait donc salutaire. A ce propos, il est nécessaire de construire des designs sur lesquels ces points sont insérés en tirets. Après cette phase, les partager dans les différentes plateformes numériques et ceci de façon régulière, permettra d’attirer plus d’attention. Une fois que cette action est menée, les potentiels investisseurs pourraient être intéressés par l’un des points et chercher par la suite à créer des liens. Pour compléter cette stratégie et garantir une certaine complétude, une autre action nous semble importante.
Recourir stratégiquement à la traduction des livres de jeunesse
Une fois que les livres sont produits, il y a un autre aspect délicat qui est la traduction. Bien qu’il existe des livres de jeunesse traduits, pouvons-nous prétendre que ces livres le sont à une grande échelle ? Cet exercice est assez répandu en France. C’est d’ailleurs l’un pays qui traduit le plus au monde au sein de l’édition jeunesse . Pourtant, l’Afrique n’est pas encore véritablement plongée dans le bain de la traduction des livres de jeunesse. Du moins pas comme dans les pays occidentaux. Une fois que la note de lecture aura suscité de l’intérêt, il faudra la rendre disponible à une plus large population. Le monde est certes devenu un peu plus englobant, on n’oublie cependant pas qu’il y a toujours une diversité linguistique. Pour accéder facilement à un peuple, le meilleur moyen est de passer par sa langue. L’avantage avec les livres de jeunesse est que le texte est réduit comparativement aux livres pour adultes. Ajouté à cela, l’illustration restera inchangée. La traduction joue ici un travail intense de communication. Déjà les œuvres les plus traduites sont celles qui ont d’abord intéressées la contrée où elles ont vu le jour. A titre d’illustration, la composición de l’auteur chilien Antonio Skarmeta, un album de jeunesse très célèbre en Amérique du Sud, a fait l’objet des traductions et de rééditions notamment en Italie et au Canada. Ce moyen a permis de répandre le livre dans le monde et pour l’auteur de gagner des distinctions.
Il serait intéressant dans le contexte africain, de répertorier les livres en littérature de jeunesse en Afrique qui sont les plus consultés, qui ont reçus un certain accueil et créé un vaste réseau de traduction. Il existe même des productions en langues africaines qui gagneraient à être traduites en langues étrangères. Néanmoins, il faut reconnaître que ce n’est pas une tâche facile à la base mais avec de la volonté et du professionnalisme, c’est largement envisageable.
Au terme de cette réflexion, nous notons qu’il y a une nécessité d’explorer les idées proposées ci-dessus : la multiplication des notes de lecture de livres jeunesse, la redynamisation des acteurs de livres de jeunesse en Afrique et le recours à la traduction stratégique des livres de jeunesse. En le faisant, il se crée une relative possibilité d’attirer davantage l’attention de potentiels investisseurs.