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Quel est le rapport des jeunes camerounais au livre et la lecture ?

Muna Kalati Comms

Avec le succès phénoménal des jeux vidéo et des réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp, Instagram…), force est de constater l'intérêt vital de sauvegarder le livre et de tout faire afin d'inviter les jeunes à la littérature jeunesse.  L’importance du livre dans la construction identitaire et intellectuelle de l’individu est désormais largement reconnue. Au Cameroun, de nombreux aspects sociaux et économiques déterminent l'accès au livre et à la lecture des jeunes. En effet, la stratification sociale, la fracture économique ainsi que le bilinguisme influent fortement sur qui a la possibilité de lire quoi, et à quel prix. Ils modèlent non seulement le lectorat, mais aussi les politiques éditoriales. Or, pour une meilleure promotion du livre jeunesse, il est important de maitriser son public, de savoir comment les jeunes camerounais lisent et ce qu’ils aiment lire.


Quels sont les traits caractérisant le lectorat jeune au Cameroun ?

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Il est difficile de répondre avec exactitude à cette question. On ne peut s’appuyer que sur des observations générales ou des constats, car, à ce jour, il n’existe pas toujours d’étude nationale sur le livre et la lecture au Cameroun.  Ces études, qui permettent normalement de diagnostiquer l’état des pratiques de lecture dans un pays, sont réalisées dans la plupart des pays développés et permettent aux acteurs de la filière du livre de prendre de meilleures décisions. Mais au Cameroun, tel n’est point le cas. La plupart des données documentées sur les pratiques de lecture des jeunes Camerounais sont réalisées par des étudiants lors de leurs leurrecherche ou alors par des organisations internationales comme la Francophonie ou la Banque mondiale. Cependant, une des rares études menée par le ministère de l’Éducation de base (Minedub), en 2010, relevait qu’en troisième année du cycle primaire, 49 % des jeunes Camerounais éprouvaient d’énormes difficultés à lire et 27 % ne savaient pas lire du tout. Quant au livre de mathématiques qui s'avère le plus utilisé après celui de lecture, à en croire l’EPT, les chiffres révèlent qu’en quatre années (2006-2010), le nombre d’apprenants par livre a plutôt chuté de 12 à 14.


Quels sont les profils de lecteurs qu’on retrouve ?

C’est au cours d’une recherche universitaire que nous avons pu établir les profils des jeunes lecteurs camerounais. De façon assez schématique, nous avons donc :

  • Les grands lecteurs ou lecteurs professionnels


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Ces jeunes qui ont compris l’importance de la lecture et lisent environ 10 pages au quotidien. Il s’agit souvent de jeunes dont les parents sont d’une classe sociale moyenne ou alors dont les parents exercent un métier en rapport constant avec le livre : enseignant, avocat, bibliothécaire, éditeur, libraire… Ces jeunes ont donc l’opportunité, au-delà de l’école, d’avoir accès à des livres et parfois de pouvoir choisir ce qu’ils veulent lire. Avec des parents éduqués qu’ils voient également lire, ils sont plus motivés à lire, même pour le plaisir ; et conservent cette habitude même avec l’assaut des réseaux sociaux.


  • Les lecteurs moyens ou occasionnels

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Ces derniers ont un intérêt pour la lecture, mais cela n’est pas suffisamment ancré dans leurs pratiques. Ils lisent beaucoup plus par nécessité que par plaisir. C’est le cas de la plupart des étudiants camerounais du secondaire ou tertiaire, qui ne lisent que les œuvres officielles inscrites au programme, lorsqu’ils veulent réaliser un exercice littéraire ou non. Si jamais le résumé de ladite œuvre est disponible en ligne, ils n’hésiteront pas à s’en procurer pour se simplifier la vie. Contrairement aux grands lecteurs qui s’adonnent à la lecture plaisir, les lecteurs moyens s’adonnent à la lecture utilitaire.


  • Les petits ou non-lecteurs

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Il s’agit ici de ceux qui ignorent l’importance du livre et de la lecture. Ils peuvent passer une année sans lire entièrement un livre jeunesse et ne s’adonnent à la lecture qu’en cas d’absolue nécessité. Certains sont issus d’une classe sociale défavorisée où l’accès au livre était rare et l’entourage familial ne s’adonnait point à la lecture. Ils ne lisent que par contrainte, considérant la lecture comme une activité punitive, une corvée. Certains également peuvent avoir la passion de la lecture, mais, évoluant dans un environnement où le livre est rare, cette passion s’essouffle. Par exemple, le rapport de l’EPT (Éducation pour tous) publié en 2014 indique qu’en général, douze (12) élèves camerounais utilisent le même ouvrage. Ce qui contraint certains enseignants à consacrer une partie considérable des heures de cours à recopier des textes au tableau.


Loin de nous l’idée d’établir des cloisons ou vases clos entre ces profils, car un jeune appartenant à une catégorie peut se retrouver dans une autre lorsque certaines conditions socioéconomiques sont réunies. Par ailleurs, ces caractéristiques sont générales. Par exemple, j'étais un grand lecteur, addict des livres et dévorant environ 4 livres semaine ; pourtant, mes parents n’étaient point enseignants, ni riches (ni pauvres non plus !), ni des lecteurs réguliers.


Quoi qu’il en soit, le ministère camerounais des Arts et de la Culture devrait investir davantage dans la recherche sur la filière du livre afin d’avoir des données factuelles permettant l’élaboration de meilleures politiques pour le livre en fonction des lecteurs.


Comment les jeunes camerounais lisent-ils ?


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Les modes de lectures des jeunes Camerounais ont considérablement évolué depuis la révolution numérique. De nombreux jeunes ne lisent plus forcément des livres imprimés, mais s’habituent peu à peu au mode de lecture numérique sur leurs smartphones, tablettes, ordinateurs… Désormais, la lecture est mobile, plus besoin d’aller s’asseoir devant un écran d’ordinateur ou dans une bibliothèque pour lire : dans le bus, en marchant, dans les files d’attente…


Les choix de lectures sont également plus variés et l’accès plus aisé. Cependant, l’offre disponible est majoritairement occidentale et il est assez difficile pour un jeune Africain sur le continent ou dans la diaspora d'avoir accès à un livre africain pour la jeunesse. Muna Kalati donne ainsi plus de visibilité aux acteurs africains de l’édition jeunesse et milite pour plus de diversité dans la littérature africaine pour la jeunesse.


Qu’aiment-ils lire ?

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L’analyse des choix de lecture d’un groupe de jeunes lecteurs à Yaoundé révèle l’intérêt manifeste pour le livre jeunesse et particulièrement la bande dessinée. Le Cameroun, pionnier dans le 9ᵉ art en Afrique, dispose d’une riche production, mais celle-ci est peu visible dans les rayons libraires, insuffisante dans les bibliothèques (scolaires ou privées) ou alors hors du pouvoir d’achat des jeunes lecteurs lorsqu’elle a été éditée au Nord.

Par ailleurs, si les journaux et périodiques intéressent les adultes, ce sont plutôt des livres jeunesse comme « Tintin », « Dragon Ball Z », « Harry Potter », « One Piece » et « Aya de Yopougon » qui drainent un public accro de bandes dessinées et de « mangas ». Autant les élèves en classe terminale ou première s'intéressent aux encyclopédies, dictionnaires thématiques et romans de littérature classique ou d'essais politique, social ou économique, autant d'autres adolescents se focalisent sur les rayons des romans africains inscrits ou non au programme scolaire, tels que Père inconnu de Pabé Mongo, Une saison blanche etsèche d’André Brink, etc.


Conclusion

 La promotion de la lecture n’est pas encore une réalité prise en compte par les pouvoirs publics camerounais qui investissent très peu dans la filière du livre et dans les initiatives œuvrant à la vulgarisation de la lecture. Le rapport des jeunes à la lecture est assez alarmant, le numérique aggravant davantage les choses. Il est donc plus qu’urgent d’accroitre les efforts d’alphabétisation qui prédisposeront les enfants et les jeunes à l’amour de la lecture. Et la société civile ou le secteur privé ici ont un rôle clé à jouer, car on se rend compte, pour ce qui est du Cameroun, qu’on ne peut compter sur les pouvoirs publics qui n’ont pas une réelle volonté politique. Si vous aimeriez partager votre expérience du livre et de la lecture, n’hésitez pas à nous contacter ici !

Contrairement au Bénin où « depuis 2009, il n’y a plus eu de BD éditée ». Cf. : DjossèRoméo Valérien Tessy, Édition de la bande dessinée au Bénin : état des lieux et perspectives pour une augmentation de la production, Mémoire de master en Développement, Université Senghor, 2015, p. 57.



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