De la difficulté pour les parents d’avoir accès à des livres africains pour leurs enfants
Après avoir entamé la diffusion de la première édition de notre magazine Muna Kalati, en octobre dernier, nous avons reçu de nombreux feedbacks, des avis critiques mais aussi des recommandations. En effet, dans ce magazine, nous présentions l’utilité du livre jeunesse et l’importance de faciliter la rencontre régulière entre l’enfant et le livre dès son plus jeune âge. Les parents, qui sont plus friands de la rubrique sur la « Revue des livres », nous ont fait savoir qu’ils éprouvent des difficultés à rentrer en possession des livres que nous recommandions ou analysions.
L’un d’eux, Arnaud, est un Congolais père de trois enfants qui vit et travaille au Ghana. La télévision est le principal outil de divertissement pour ses enfants. Ces derniers visionnent donc essentiellement des programmes de jeunesse avec des personnages et des superhéros étrangers. Et les livres scolaires qu’ils ont représentent majoritairement des personnages blancs. Évidemment, ceci affecte l’imaginaire et infecte le comportement social et langagier de ses enfants, qui sont plus fascinés par l’Occident et le Japon que par l’Afrique ou son Congo natal.
Après lui avoir convaincu de l’importance de lire et faire lire des albums africains pour la jeunesse à ses enfants, il me demanda s’il pouvait s’en procurer en ligne. Car la majorité des livres pour la jeunesse présents dans les rayons des librairies des supermarchés et des librairies du coin sont des livres étrangers. Il devient donc difficile pour un parent, même lorsque l’envie est là, d’avoir aisément ou facilement accès à un livre africain pour la jeunesse : qu’il s’agisse de bandes dessinées, de livres illustrés, documentaires ou d'albums jeunesse.
En effet, il est très difficile de trouver de l’information, en français, sur la littérature pour la jeunesse africaine. Étant donné que la pénétration internet sur le continent africain est de plus en plus croissante, de nombreux parents, bibliothécaires ou bibliophiles se servent d’internet comme outil privilégié de recherche et d'accès à l’information. Internet avec le numérique est donc une formidable ressource et une opportunité immense pour la promotion de la littérature africaine pour la jeunesse. Cependant, les acteurs de la chaine du livre en Afrique peinent ou du moins rechignent à investir dans ce média et à l’exploiter pleinement au service de l’édition jeunesse.
Comment donc est-il possible de davantage utiliser internet et les médias numériques pour la promotion du livre jeunesse africain ? Comment assurer une meilleure visibilité de l’information sur la littérature jeunesse africaine ? Où trouver l’information relative au livre africain pour la jeunesse ? Mon analyse s’appesantira davantage sur cette dernière question et je vous présenterai des sites web, blogs et ressources en ligne qui contiennent assez ou peu de contenus sur le livre camerounais ou africain pour la jeunesse.
Où trouver l’information sur la littérature africaine pour la jeunesse ?
Les blogs spécialisés sur la littérature jeunesse africaine.
MunaKalati, le livre… une vivre pour enfants !

Muna Kalati, qui en duala renvoie à « la lecture pour enfant », est né de cette volonté de faire du livre et de la lecture une activité ludique qui s’insère naturellement dans les pratiques quotidiennes au Cameroun et en Afrique. Nous voulons apporter, par ce moyen sûr qu’est la lecture, une réponse aux questions que l’enfant africain se pose à mesure qu’il se mêle davantage à la vie de l’univers et de la société dont il fait partie. Nous voulons développer le gout de la lecture et la culture du livre dès l’enfance.
Bien que les initiatives de promotion de la lecture soient à encourager, beaucoup reste à faire dans le secteur jeunesse, celui de la semence. Il existe des bandes dessinées, des romans et des albums écrits pour eux, mais ils n’y ont parfois pas accès car ils ne savent pas. D’où notre mission de documenter et de promouvoir l’existant, mais aussi d’encourager la production et la légitimation du livre pour la jeunesse. Il vous est possible de participer à cette merveilleuse aventure en :
Devenant contributeur pour soumettre des notes de lecture, des articles, des analyses…
Soumettant vos créations pour publication : bandes dessinées, poèmes, contes pour la jeunesse…
Nous soutenant financièrement ou institutionnellement.

Je suis tombé sur ce blog par hasard en février 2018 lorsque j’explorais le web pour voir s’il existe d’autres blogs comme celui que je voulais démarrer, c’est-à-dire des sites en français uniquement dédiés à la littérature jeunesse africaine. Ce fut donc avec plaisir que j’y découvrais les critiques de livres jeunesse ayant au moins un auteur, personnage, illustrateur noirs ou caribéens. La blogueuse et bibliothécaire Valérie dispose de plus de 8 années d’expérience dans l’animation et la médiation de la lecture et du livre pour la jeunesse. Le nom de son blog, Mistikrak !, une réplique verbale utilisée pour montrer son attention lors de la narration d’un conte par un griot, est une référence aux traditions orales créoles. Valérie s’en sert comme plateforme d’expression sur la diversité raciale en littérature jeunesse, une invitation au vivre-ensemble, à une poétique de la relation et à la tolérance.
Un autre facteur qui m’a particulièrement accroché sur ce blog, c’est son ergonomie et l’architecture cohérente de l’information qui y est disponible. Il est en effet facile pour le visiteur de trouver facilement ce qu’il cherche en se servant de la barre de « recherche », des tags prédéfinis ou des catégories de livres. Enfin, je recommande très fortement ce blog pour les parents, car elle y présente des conseils et astuces pour animer des séances de lecture avec votre enfant à la maison et même en milieu scolaire, si vous êtes enseignants. Vous pourriez suivre ce blog sur Facebook.
3. Les Étoiles Noires, pour plus de diversité dans la littérature

Ce blog est également une merveilleuse ressource en ligne sur la diversité dans la littérature pour la jeunesse africaine. Contrairement à Mistikrak ! qui est focalisé sur les critiques de livres jeunesse, Les Étoiles noires analyse également la diversité dans les médias et les jouets pour enfants, car il existe trop peu de super-héros ou de films d’animation ayant des personnages noirs. C’est d’ailleurs en recherchant des livres ayant des super-héros noirs auxquels son petit garçon pourrait s’identifier que l’auteure du blog eut l’idée de lancer « EtoilesNoires », afin de « faire de nos enfants des enfants fiers de ce qu’ils sont, des enfants qui rêvent d’eux-mêmes en super-héros ou princesses qui leur ressemblent », car « toutes les étoiles (même noires) brillent… ».
Cependant, le fait que ce blog soit centré sur les objets culturels noirs ou métis n'en fait pas pour autant un blog communautaire. Car l’une des ambitions de l’auteure, tout comme celui de Muna Kalati, c’est d’intéresser et de toucher aussi des personnes non noires et les inciter à lire et faire lire des livres africains à leurs enfants. Cela préparera ces enfants ni noirs ni métis à connaitre et à reconnaitre la différence, la diversité et ainsi à être plus tolérants et ouverts aux autres. Vous pourriez suivre ce blog sur Facebook ou Twitter.
Takam Tikou, la revue de livres pour la jeunesse d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Il est presqu’impossible de rechercher des informations et analyses critiques sur la littérature africaine pour la jeunesse sans tomber sur le site de la revue en ligne Takam Tikou, rattaché au Centre national pour la littérature de jeunesse (CNLJ) de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Disposant de plus de vingt années d’existence, c’est une véritable mine d’informations et de documentation sur le livre africain pour la jeunesse pour les bibliothécaires, libraires et chercheurs. Les livres ayant reçu des prix à l'international y sont représentés, ainsi qu'une sélection de livres d'Iran, du monde arabe, d'Afrique, de la Caraïbe et de l'océan Indien.
La coopération entre Takam Tikou et la Bibliothèque enfantine Luciole de Yaoundé ainsi que d’autres bibliothèques appartenant au Réseau de lecture publique permet d’avoir un retour d’expérience des jeunes lecteurs. Aussi, le CNLJ apporta un soutien dans l’organisation du concours pour la meilleure bibliothèque du Cameroun, évènement organisé par Christophe Tadja, chef du service de la documentation et des Archives au collège François-Xavier Vogt à Yaoundé et coordonnateur de l’association SEDD. Takam Tikou collabore enfin avec un réseau de praticiens, de chercheurs et d'éditeurs pour analyser les dynamiques du secteur de l’édition jeunesse. C’est d’ailleurs là que je publiais mon article sur la reconnaissance et la visibilité du livre camerounais pour la jeunesse, fruit de plusieurs années de recherche de terrain au Cameroun et dans la diaspora.
Cependant, le Cnlj ne peut couvrirtoute la production jeunesse africaine, et se doit donc de sélectionner les livres qui seront analysés. D’où l’intérêt d’avoir des initiatives personnelles comme Muna Kalati, Mistikrak !, Etoiles Noires, Afrolivresques, l'Afrique Ecrit etc. qui contribuent ainsi à accroitre quantitativement et qualitativement la visibilité de l’information sur la littérature pour la jeunesse africaine. Il est toutefois capital que cette veille soit faite de manière plus régulière, organisée et systématisée par les pays africains eux mêmes. Les structures nationales en charge de la promotion du livre et de la lecture doivent investir davantage dans le numérique pour la promotion de l’édition jeunesse. Il en va de l’avenir du continent africain, car une jeunesse sans repère se perd.
Pourconclure, nous signalons que cette liste n’est point exhaustive. Il existecertainement d’autres sites en ligne consacré à la littérature jeunesseafricaine. Mais nous avons choisi de présenter les 4 ci-dessus parce qu’ilssont totalement spécialisés sur cette mission de promotion de la diversitéraciale (noire) dans la littérature. Si vous connaissez d’autres sitesrépondant à ce critère, n’hésitez point à nous en parler en commentaire. Le partage enrichit ! A +